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Une pétition pour l'égalité salariale

15-12-2015  - avatar

Force est de constater que le nouveau Conseil fédéral ne montre pas l’exemple en matière de représentation homme/femme et reste en retrait en matière d’égalité salariale. Sa proposition, actuellement en...

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Ailleurs

Annick Blavier, une œuvre engagée

27-06-2017 Hélène Upjohn - avatar Hélène Upjohn

Il y a du mystère dans les collages d’Annick Blavier, les déchirures, les fragments, les situations que l’on ne voit pas en entier, les citations qui ont perdu leur auteur.e..Pourtant...

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Genre&Féminismes

Une pilule pour doper la libido féminine…

10-12-2015  - avatar

Les sociétés pharmaceutiques rivalisent d'ardeur pour mettre sur le marché une pilule qui stimulerait le désir sexuel chez les femmes. Sprout Pharmaceuticals a déjà obtenu le feu vert pour la...

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chronique féminista-voyageuse

Le sixième pays le plus sûr au monde

« Avant, on était vraiment en sécurité. Mais ces dernières années, tout a changé ». Christina a peur des «égorgeurs». Elle roule des yeux, elle raconte en chuchotant : « Ce sont des bandits, des braqueurs, ils entrent chez toi la nuit pour te voler et ils n'hésitent pas à t'égorger, schlac !, comme ça, pour rien». Christina sait «d'où ça vient» : «Ce sont les pauvres d'ailleurs, ils viennent d'Argentine...». Ce soir pourtant, la nuit semble calme. On entend les cigales chanter dehors, nous sommes au nord de Canelones, en pleine campagne, à deux heures de la capitale uruguayenne. En nous faisant visiter sa maison, Christina raconte les enfants accros au crack dans les ruelles de la grande ville. «Hier, à Montevideo, ils ont tué un chauffeur de taxi, mais ne vous inquiétez pas : ici, nous sommes préparés, venez». Et dans chaque pièce, elle nous montre une nouvelle cache, d'où elle sort, là une carabine, ici un pistolet. Une arme à feu dans chaque pièce. Christina sait tirer.

Elle nous explique qu'avec ses voisins, ils ont mis en place des rondes. «Tu crois que nous sommes isolés au milieu des bois mais en fait, tout autour, il y a des maisons. On se connaît tous. S'il y a le moindre problème, on s'appelle et quand une des maisons est vide, on fait des tours pour s'assurer que tout va bien». Christina et son mari vivent là depuis vingt-cinq ans. Je lui demande s'il y a déjà eu des problèmes. «Deux fois je suis allée voir, mais c'étaient des fausses alertes».

Le mari de Christina rentre tard. Il a vu nos vélos dans le jardin derrière la maison. Il nous conseille de bien les attacher surtout. La propriété est clôturée, mais on ne sait jamais. Il nous livre, avec des airs de conspiration «Ici, on ne peut compter que sur soi-même».

Comment interpréter cette peur ? Souvenir de notre début de voyage, quelques semaines plus tôt, dans la banlieue de Montevideo. Quand nous parlions de «l'insécurité en Uruguay» avec Carlotta, elle évoquait également l'Argentine, mais il ne s'agissait pas des «pauvres de là-bas». Elle nous expliquait, excédée, que c'était la faute de la télévision argentine, qui alimentait les fantasmes sécuritaires de son petit voisin uruguayen. Y a-t-il réellement beaucoup de crimes ici ? Pas plus qu'ailleurs, soutenait-elle, sûrement moins qu'ailleurs... En réponse, son père Javier évoquait tout de même la crise, la difficulté à vivre, l'augmentation des braquages. Une fois, en 2002, un des ses voisins avait fait un hold-up sur la station-service, juste à côté. «Il était à bout, il avait fait ça à deux pas de chez lui et, bien sûr, on l'a reconnu, il s'est fait attraper, il a fait de la prison. Ici dans le quartier, tout le monde était désolé pour lui, désolé qu'il se soit fait prendre, désolé que le braquage n'ait pas réussi... Quand il est sorti, on a fait une grande fête.»

À Mélo, au nord du pays, José nous avait lui aussi tenu un autre discours : «dans une ville de 35'000 habitant-e-s, tout le monde se connaît. S'il y a des voleurs dans cette ville, ils ne sont pas plus d'une dizaine, alors ce n'est pas possible pour eux. Si tu voles, tu ne vas pas tenir longtemps comme ça.»

La nuit s'est finalement déroulée sans incident chez Christina. À la lumière du jour, elle nous explique qu'il ne faut pas s'inquiéter si tout le monde nous salue dans les environs : «Si on salue les inconnu-e-s, c'est parce qu'on a toujours peur que ce soit la cousine ou le frère d'une connaissance et qu'on nous reproche de ne pas l'avoir reconnu-e. Les gens sont tellement liés... Alors il faut bien dire bonjour à tout le monde, quoi». La peur semble tout à fait redescendue. Je repense à ces campagnes de chez moi, où des voisins qui n'ont vu les «délinquants des villes» qu'à la télévision, votent pour les idées de la droite la plus dure et fascisante, soutiennent des programmes racistes et anti-pauvres au nom d'ennemis intérieurs immatériels et fantasmagoriques...

Le mari de Christina est parti au champs dès l'aube. Par la fenêtre de la cuisine, nous apercevons la voisine sur sa mobylette. Elle lance un grand salut amical. Christina répond chaleureusement. Puis se retourne vers moi en roulant encore des yeux «Tu veux savoir le vrai fléau ici ? Il est à l'intérieur des maisons. Aucune ne te le dira facilement. Mais elles sont beaucoup à rêver de sortir de l'enfer». Demi-mots, sourires douloureux. La carabine dort sous son sommier de laine. Nous mettrons encore quelques jours avant d'aborder le thème des violences conjugales.

Actualités

«Et maintenant ? Comment j'explique la situation actuelle au regard de tout ce qu'on a vécu ?». Andrea me regarde malicieusement. Elle retourne ma question dans tous les sens, la fait rouler sur sa langue comme un bonbon un peu piquant. Elle cherche ses mots. Andrea descend dans la rue plus souvent qu'à son tour. Elle l'a toujours fait. Depuis la fin des années 60, quand elle était lycéenne et gravissait les barricades à Montevideo en espérant la révolution sur les traces du Che. Depuis le début des années 70, quand elle était ballottée de salles d'interrogatoire en cellules de prison jusqu'à choisir la clandestinité et l'exil. Aujourd'hui encore, rentrée en Uruguay depuis la fin des années 80 et présente dans les assemblées du quartier, à cause de la crise économique, des violences faites aux femmes ou de la spéculation foncière. Andrea a été combattante Tupamaras en Uruguay, avant et au début de la dictature. Aujourd'hui, elle fait de la peinture et des ateliers de philosophie, elle invite ses voisins à ouvrir des jardins potagers et plus que jamais, elle est révoltée, acharnée, en quête d'émancipation pour toutes et tous.

«José Mujica, «le président le plus pauvre du monde», l'ex-leadeur gauchiste... tu me demandes s'il a retourné sa veste ?». Elle raconte : certain-e-s pensent qu'une partie de la guérilla a fait un pacte avec les militaires depuis 1972, qu'il y aurait eu des négociations entre certains guérilleros emprisonnés et certains militaires à cette époque... «Tout cela est très compliqué, c'était une période très embrouillée, les archives ne sont pas accessibles, l'impunité des tortionnaires est toujours en vigueur et il est très difficile d'affirmer des choses... Mais il faut dire qu'il y a eu tellement de gens en prison, et que la torture sur les opposants politiques a vraiment été systématique. Alors, bref, d'une manière ou d'une autre, on suppose qu'il y a eu un pacte secret entre certains militants et certains militaires». Ça pourrait expliquer que 25 ans après la fin de la dictature et avec la gauche au pouvoir, il n'y ait toujours pas de véritable enquête sur les crimes de l'époque. Bien sûr, officiellement, la situation a changé avec l'élection du Frente Amplio [front de gauche]. La gauche a en fait attendu 22 ans sans rien faire, avant de céder à la pression des familles pour créer une «commission de la vérité»... qui ne sert à rien. Si la pression s’accroît, ce n'est pas seulement du fait des familles de victimes, mais aussi à un niveau international, car le délai de confidentialité des archives est bientôt expiré et c'est la cour pénale internationale qui va pouvoir attaquer l’État uruguayen pour n'avoir pas fait la lumière sur son passé.

«La gauche a seulement lâché du leste sur la possibilité de procès individuels, mais cela ne représente presque rien». Je questionne Andrea sur les dernières actualités concernant la poursuite des tortionnaires et la reconnaissance des victimes. Elle est très en colère : en février dernier, une des très rares juges d'instruction enquêtant en Uruguay sur des faits de torture s'est vue retirer ses enquêtes par la Cour Suprême. Il y a eu un rassemblement de protestation au tribunal à Montevideo, durement réprimé et surtout, où des photos d'ancien-ne-s résistant-e-s ont été prises et diffusées dans la presse pour dire que «le mouvement était manipulé par d'anciens leaders gauchistes de la lutte armée...». Suite à cela, la Haute Cour à porté plainte contre les militant-e-s mis-e-s en cause. Un mois et demi plus tard, en pleines vacances de Pâques, les rares tortionnaires déjà emprisonnés pour leur implication dans la dictature sont remis en liberté discrètement. «Le processus pour maintenir le tabou sur ces années se poursuit. Tout ça, c'est une grande mascarade pour répondre à cette pression internationale, pour faire croire qu'on veut faire la vérité sans la faire. Beaucoup d'énergie est consacrée à blanchir les militaires, certains appellent ça «le pacte du silence». Et il est difficile de penser que si autant de politiciens ont retourné leur veste, ils l'auraient fait en un jour.»

Andrea avoue qu'il est difficile d'affirmer quoi que ce soit concernant l'impact de la période de dictature sur ce qui se passe aujourd'hui. Mais tout en restant prudente, elle trouve absolument nécessaire de «reconstruire les continuités». Comment vivre avec ce passé de la dictature, sans s'engluer dans l'horreur des faits et le sentiment de conspiration ? Il est forcément très important pour les personnes qui ont subi ces années que les faits soient nommés. Pour autant, Andrea ne veut pas se contenter d'une lutte pour la reconnaissance des victimes... Comment parler de tout ça sans se vautrer dedans ? Tâcher de comprendre le présent, pour le relier à la politique actuelle. Et même, pas seulement pour cela, mais pour se demander comment ça interfère avec la politique actuelle. Par exemple pour montrer comment les politiciens s'en servent dans les jeux de pouvoir, mais y sont aussi soumis, comme avec cette histoire de pacte du secret.

Il est aussi important de rester vigilant à l'imbrication des terrains de luttes. Par exemple, depuis quelques semaines, l'eau potable est sous le feux des médias : «Tu n'as pas vu à la télé ? Ils disent que ça y est : on ne doit plus boire l'eau du robinet. C'est à cause des pollutions agrochimiques. Ici, c'est le soja, il est transgénique et hyper traité. Les pesticides et herbicides passent dans les lagunes et les nappes et tout est foutu. Ailleurs, ce sont les hectares eucalyptus qui pompent et polluent. Enfin voilà, on y est, c'est la guerre de l'eau et de la terre qui prend une nouvelle dimension. C'est très grave et il faut absolument se mobiliser contre ça. Mais il faut qu'on fasse gaffe, parce que ça arrive tout de suite, très vite, et j'ai peur qu'une fois de plus, ça invisibilise la lutte contre le secret de la dictature. Comment dire... je ne veux pas du tout hiérarchiser ces luttes ni en négliger aucune, mais il faut bien réfléchir pour que tout avance...»