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ENCORE UN PEU DE PATIENCE!

LES NEWS SONT EN ROUTE!

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Une pétition pour l'égalité salariale

15-12-2015  - avatar

Force est de constater que le nouveau Conseil fédéral ne montre pas l’exemple en matière de représentation homme/femme et reste en retrait en matière d’égalité salariale. Sa proposition, actuellement en...

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Ailleurs

Annick Blavier, une œuvre engagée

27-06-2017 Hélène Upjohn - avatar Hélène Upjohn

Il y a du mystère dans les collages d’Annick Blavier, les déchirures, les fragments, les situations que l’on ne voit pas en entier, les citations qui ont perdu leur auteur.e..Pourtant...

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Genre&Féminismes

Une pilule pour doper la libido féminine…

10-12-2015  - avatar

Les sociétés pharmaceutiques rivalisent d'ardeur pour mettre sur le marché une pilule qui stimulerait le désir sexuel chez les femmes. Sprout Pharmaceuticals a déjà obtenu le feu vert pour la...

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chronique féminista-voyageuse

Etat social?

Ramón est médecin à Paysandú. Nous déambulons avec lui à travers le marché. Les verres à maté s'entassent pêle-mêle sur l'étal d'un brocanteur. Certains sont en bois tourné, d'autres de simples verres habillés de cuir tressé ou de fils de perles. Mais la plupart sont creusés dans des calebasses, rondes ou ovales, prêtes à se lover dans le creux de la main. Nombreux sont celles et ceux qui en tiennent une ce matin au marché, tirant sur la bombilla de métal ou de bambou pour avaler l'infusion d'herbe fumante. Ramón s'agace. «Le maté, c'est n'importe quoi, c'est mauvais pour la santé ! En plus, ces calebasses, ça pose de vrais problèmes d'hygiène : à force, ça moisit au fond. Et tous ces gens avec le thermos sous le bras... c'est à croire qu'il sont manchots, des feignants !». Je n'aurais pourtant pas dit cela, en voyant la dextérité de certain-e-s pour conduire leur moto, ou pour porter sacs de courses, enfants et poussettes...  thermos sous le coude et verre à maté tenu bien droit.

Ramón est sceptique. Il est «de droite». Il trouve que nous parlons trop de politique et ça le chagrine. Avec ses économies, il a acheté un immeuble en ville pour fonder une école où scolariser «les enfants pauvres». Lui, il vit dans un appartement, au 9ème étage du seul immeuble qui surplombe la ville, avec un liftier pour lui tenir la porte de l’ascenseur. Il n'aime pas le gouvernement actuel, ni les feignants, ni le maté – anti-hygiénique. Il travaille à l’hôpital mais gagne sa vie avec les consultations privées. Beaucoup le reconnaissent dans la rue, le remercient pour les soins prodigués. Ramón sert les mains en bon seigneur, fier de lui et amer sur les conditions de soins dans son pays. Il s'esclaffe : «En Uruguay, si tu vas dans une policlinique de campagne parce que tu t'es coupé un bras, on te donnera une aspirine!».

Ramón a 73 ans. L’hôpital ? Il veut bien y soigner des gens avec les moyens du bord, mais pas y mourir. Il y a quelques jours, Chavez est mort à l'hôpital, à Cuba. «Ah, mais Cuba, c'est autre chose ! Ce sont les meilleurs médecins du monde, les mieux formés. Tout le monde vient se faire soigner à Cuba... enfin, ceux qui le peuvent...».

Quand j'évoque ma rencontre avec ce vieux médecin bougon, Lydia s'étonne qu'il n'ait pas parlé de la réforme du système de santé. Lydia est jeune médecin à Montevideo : «La gauche à changé beaucoup de choses ici. C'est vrai, nous n'avons pas assez de moyens, mais tout de même beaucoup plus qu'avant. Moi, par exemple, je bosse dans un Centre de Santé Communautaire nouvellement créé, dans un quartier pauvre au nord de la ville. On manque de tout, mais c'est tout de même une nouvelle approche. Les gens voudraient que tout fonctionne instantanément, ils ne sont jamais contents. On est sur la bonne voie». Lydia insiste : «Le gouvernement Mujica mène une vrai politique sociale : en matière de santé, d'effort pour le plein emploi... et pour l'éducation. Regarde : chaque enfant uruguayen possède un ordinateur portable remis gratuitement par l'école publique. Nous entrons de plain pied dans le troisième millénaire !». Politique sociale ? Je repense à toutes ces personnes âgées distribuant des sacs plastiques à la sortie des supermarchés, et surtout à cet homme rencontré à Mélo dont le travail consiste depuis des mois à appuyer sur un interrupteur pour actionner un feu rouge sur l'étroite voie d'accès du camping municipal... Difficile de trouver du sens à cette sorte de «plein-emploi» et l'idée que les enfants d'Uruguay se promènent tout-e-s un ordinateur sous le bras me tourne un peu la tête. Mais qu'aurais-je à objecter, moi qui possède mon propre laptop ?

Un homme passe devant nous, tenant par la bride un grand cheval alezan habillé de franges à perles et attelé à une remorque immense, chargée d'ordures. Lydia explique : «Ce sont eux qui nettoient la ville. Tu les prends pour des clochards, mais le fait d'avoir un cheval... ils font ça de père en fils, ils ont un vrai savoir-faire, une vraie fierté... Seulement, ils font ça de manière totalement autonome et c'est le chaos. Alors, au lieu de les pourchasser, le gouvernement a décidé de les intégrer dans une gestion publique des déchets, de les canaliser sans les détruire. C'est sûr que ça ne leur convient pas. Mais il n'y a pas de politique sociale réellement conséquente sans certains chamboulement. C'est pour ça que les gens râlent autant».

Camilo, lui, ne râle pas, «il a fait ses choix». Dans sa petite maison, à cinquante kilomètres de la capitale, le dompteur de chevaux explique calmement : « Moi, je me sens de gauche, mais je vote pour les blanco, parce que le contrôle de l’État, je n'en veux pas. J'ai toujours été indépendant, ça n'a pas été facile tous les jours, mais je me suis fait moi-même. Et maintenant, ils vont vouloir imposer mon activité de dompteur, contrôler ce que je fais ?... Un État social qui agit sans le consentement des gens? Je préfère ne pas cotiser... et si je suis trop malade, j'ai un fusil et je sais ce qu'il me reste à faire...».

¡ Tierra y libertad !

«Vous saviez que Jose Gervasio Artigas avait eu un enfant avec une Indienne ?». Luna nous regarde avec un air malicieux, comme si cette nouvelle était un scoop ou pour le moins une information croustillante... Il ne me semble pourtant pas très étonnant que le héros national de l'Uruguay, qui a son buste dans tous les commissariats et sa statue à cheval sur toutes les places de village, se soit payé une concubine indigène avant d'épouser sagement sa cousine...

Mais ce que nous explique Luna est plus compliqué que cela : il y a l'histoire officielle et celle que l'on se murmure avec des airs de conspiration. Il y a le grand général Artigas, défenseur de la nation uruguayenne et de son indépendance, célébré en grande pompe, et il y a le vengeur Artigas, défenseur des pauvres, anti-nationaliste, pourchassé jusqu'à finir sa vie en exil, pauvre et isolé. «L’Uruguay se cherchait un héros, alors ils ont récupéré Artigas en racontant des histoires à dormir debout : il n'avait aucune conviction nationaliste, il rêvait d'une grande Amérique du Sud, unifiée et égalitaire. Pendant une dizaine d'année [de 1811 à 1820], il a eu le pouvoir de développer une réforme agraire en expropriant les riches propriétaires, pour contrer l'accaparation des terres entre quelques mains et les redistribuer aux plus pauvres, avec, par ordre de priorité les Indiens et tous les sans-terres. C'est pour ça que les Anglais et les Portugais ont allié les forces du Brésil et de l'Argentine pour l'anéantir et rétablir un Uruguay à leur botte. Et c'est aussi pour ça qu'il est important de savoir qu'il a eu une femme indienne».

Roberto observe Luna d'un air goguenard : «Artigas, un révolutionnaire ? Il était lui-même propriétaire de 150.000 hectares de terre... C'était un mercenaire, un populiste... Les gauchistes aussi ont tenté de le récupérer dans les années soixante. Ils ont accusé «l’État soumis au capital» d'avoir souillé sa mémoire, et ils ont inventé un autre Artigas : le héros populaire, le brigand défenseur des pauvres, indépendant et fougueux, anarchiste et gaucho...».

Luna ne se laisse pas faire : «On ne saura jamais qui il était vraiment mais ce qui est important, c'est que les terres ont été redistribuées et que ça a tenu... quelques années». Et cela au moins, Eduardo Galeano le confirme : «L'oligarchie liée aux puissances étrangères releva la tête et se vengea. De 1820 jusqu'à la fin du siècle, les patriotes pauvres qui avaient bénéficié de la réforme agraire furent expulsés, pas la violence et dans le sang. Ils ne conservèrent d'autres terres que celles de leur tombe [et] les actes de propriété établis sous l'autorité d'Artigas perdirent toute valeur».

Aujourd'hui, Roberto et Luna le racontent de concert : ces dernières années, on dit que ce sont plus de 12'000 petits propriétaires (possédant moins de 200 hectares) qui ont été contraints à vendre leur terre. Le frère de Roberto s'est suicidé en 1989 parce que ses 60 hectares, ce n'était résolument pas assez pour vivre. Et voilà, en quinze ans, l'hectare est passé de 700 à 7000 dollars US. L’État n'exerce aucun contrôle sur la vente des terres et c'est un tiers des douze millions d'hectares de terre agricoles uruguayennes qui appartiennent aux investisseurs étrangers qui misent sur de l'exploitation de très court terme, qui rime avec pollution, destruction, exploitation et spoliation des richesses vers l'étranger.

Les restes d'Artigas, religieusement conservés au cœur de Montevideo dans un mausolée sous la Plaza Independencia, se retournent-t-ils sur eux-mêmes de rage ou de désespoir ?


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