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Une pétition pour l'égalité salariale

15-12-2015  - avatar

Force est de constater que le nouveau Conseil fédéral ne montre pas l’exemple en matière de représentation homme/femme et reste en retrait en matière d’égalité salariale. Sa proposition, actuellement en...

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Ailleurs

Annick Blavier, une œuvre engagée

27-06-2017 Hélène Upjohn - avatar Hélène Upjohn

Il y a du mystère dans les collages d’Annick Blavier, les déchirures, les fragments, les situations que l’on ne voit pas en entier, les citations qui ont perdu leur auteur.e..Pourtant...

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Genre&Féminismes

Une pilule pour doper la libido féminine…

10-12-2015  - avatar

Les sociétés pharmaceutiques rivalisent d'ardeur pour mettre sur le marché une pilule qui stimulerait le désir sexuel chez les femmes. Sprout Pharmaceuticals a déjà obtenu le feu vert pour la...

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chronique féminista-voyageuse

Question de genre

Stratégies d'apprentissage n°1.

À trente ans et presque toutes mes dents, je décide de me former au métier de plombier-chauffagiste.
- «Comment on dit déjà ? Plombière ?
Le type me regarde l'air narquois. Son collègue enchaîne en me reluquant de plus belle :
- Nan... c'est plutôt un nom de pâtisserie la «plombière...».
Je ne dis toujours rien. Mon cerveau tourne à cent à l'heure, je cherche la réplique qui déviera la conversation de mes deux collègues vers un sujet moins glissant. C'est vrai qu'ils sont un peu désorientés, les pauvres, car sur les 35 apprentis que compte notre atelier-soudure, je suis la seule «femme» et, paraît-il, la seconde en dix ans.
- Et encore, la première, elle n'est pas allée jusqu'au diplôme, «congé maternité»... alors pour ce que j'en dis, si t'y arrives ma petite, chapeau !
Ils sont gentils dans cette formation. Prévenants. Tous des «adultes». Et ils savent que ça ne va pas être évident pour moi, alors ils prennent des pincettes, ils me font des compliments. Sur mes yeux, mon bleu de travail, mes chaussures de sécurité. Sympa, quoi.
- Je me demande comment les filles font pour toujours sentir bon...
- C'est pour qu'on sache qu'elles sont là, sinon, on ne s'en rendrait pas compte : elles sont tellement discrètes, bouches cousues, impossible de savoir ce qu'elles pensent !

Un compliment exemplairement sexiste... qui se transforme en reproche en moins de deux. Ils ont lancé ça bien fort dans ma direction, alors que je passais près d'eux en traînant un tube d'acier de trois mètres et une cintreuse hydraulique. C'est vrai que depuis mon arrivée il y a deux mois, je ne suis pas très bavarde (alors que d'habitude...). C'est un choix que j'ai fait, très consciemment, en début d'année : celui de jouer la fille réservée, me taire et observer, comprendre comment l'atelier fonctionne pour ne pas trop me griller... ai-je eu tort ? Je ne crois pas. Je garde la tête haute, les yeux rivés sur mon box de soudure. Quoi que je fasse, j'aurai tort à leurs yeux. Tort d'être silencieuse, tort de trop parler. Tort d'être trop habillée en «fille», tort de ne pas être assez féminine. Tort de ne pas être assez douée en soudure ou tort de trop bien y arriver. Je serre les dents et je continue.
- C'est vrai que tu sens bon.

Son sourire se veut complice et réconfortant... mon voisin de box n'a pas tout compris mais il essaie, lui aussi, d'être gentil. Je ne relève pas. Je ne suis pas encore assez en confiance pour lui avouer que c'est une stratégie, subtile, qui me fait mettre du parfum chaque matin, pour la première fois de ma vie, afin d'aller souder huit heures par jour !
Quelques mois plus tôt, pour me préparer à l’immersion, j'avais discuté avec plusieurs amies qui avaient, elles aussi, testé les métiers du bâtiment. Elles m'avaient raconté ces moments tendus, la difficulté à désamorcer la drague de certains, l'agressivité de certains autres. Et plusieurs fois, elles avaient évoqué des «pétages de plombs», des types qui en étaient venus aux mains, avaient voulu les frapper. Une de nos hypothèses étaient que certains ne supportaient pas ces femmes pas assez «femmes», qui les déstabilisaient sur «leur» terrain. Hors d'eux, leurs réflexes de confrontation se faisaient plus virilistes que classiquement sexistes, comme s'ils devaient se mesurer à ces hommasses féministes gouines carrément perverses.

J'avais retourné ces récits dans ma tête, réfléchi à mes propres forces. J'avais longuement hésité sur la stratégie à tenir. Je mesurais l'importance de tenir tête, d'assumer la différence, d'interpeller le plus grand nombre pour forcer les alliances et bloquer ces comportements. J'avais listé pour moi-même les enjeux, mon envie d'apprendre, les conditions de mon isolement pendant toute la durée de la formation. Et j'avais choisi. Choisi de me faire pousser les cheveux pour les retenir en queue de cheval et me tailler une frange, alors que je les portais court depuis mes seize ans et que les cheveux longs n'apportent a priori aucun confort dans la pratique de la soudure. J'avais choisi de m'habiller de manière plus féminine que jamais, alors même que je passais mes journées de formation en bleu de travail. J'avais choisi de me maquiller et de me parfumer pour la première fois de ma vie, pour m'enfermer dans un atelier-soudure surchauffé et écœurant des odeurs de graisse chaude.

J'avais choisi de subir un sexisme ordinaire plutôt qu'une confrontation viriliste, mélange de misogynie et d'homophobie.
Allais-je m'en sortir ?... Je vous en dirai plus au prochain épisode.

Homophobie

Le Marais, IIIème arrondissement de Paris, cols relevés et parapluies couleur de nuit. Un matin glacial et pluvieux de janvier, traversée du «Paris gay». Mon regard court le long des enseignes arc-en-ciel, s'arrête sur une vitrine à première vue silencieuse et sombre mais où scintillent le strass et les plumes qui brilleront dès l'après-midi, en pink and silver.

En janvier 2013, il y a un an jour pour jour, le déchaînement médiatique autour et contre le «mariage pour tous» battait déjà son plein en France. Je n'étais pas à Paris cette fois-là, mais Régine, une amie très proche, en était revenue glacée d'effroi. Un quai de métro à l'autre bout du quartier, côté Hôtel de Ville vers six heures du soir. Une vingtaine de personnes attendaient là, petite foule fatiguée, congestionnée par la journée vite avalée. Et soudain, le vacarme d'une autre foule, celle-là plus compacte, euphorique, menaçante. «LES PÉDÉS AU BÛCHER !». Voilà ce qu'ils hurlaient en chœur, déboulant en trombe, une trentaine d'hommes, jeunes, échauffés par la «Manif pour Tous» – comprenez «la manif contre le mariage pour toutes et tous» – qu'ils venaient vraisemblablement de quitter.

«Les pédés au bûcher !». Un appel au meurtre en bonne et due forme. Régine avait voulu les stopper, faire taire leur haine décomplexée. Mais aucun mouvement autour d'elle, aucun regard complice. Chacun chacune, comme ankylosé-e, regardait ses pieds. Elle avait eu peur. Peur de se faire tabasser devant tout le monde sans réaction, peur de s'exposer alors qu'elle ressemblait déjà trop à la gouine qu'elle assumait d'être chaque jour, mais pas sur ce quai de métro-là. Elle regarda ses pieds, s'engouffra dans la rame. Regarda encore ses pieds quand la bande sur-excitée s'installa à son tour, répétant ses horribles imprécations. Tête baissée et rage en dedans, elle serra la mâchoire jusqu'à sa destination. C'était en plein après-midi, en plein 2013, en plein Paris-capitale.

Quelques mois plus tôt, dans un parc, nous étions trois, étendues sur la pelouse. Camille nous lisait le journal, je massais les épaules de Sue. Nous commentions l'actualité, il faisait bon. Deux types s'étaient approchés. Ils nous avaient demandé deux cigarettes, puis du feu. Longues inspirations de nicotine, eux debout nous regardaient assises. Ils ne disaient rien, nous leur souhaitâmes une bonne journée et poursuivîmes la lecture. Après quelques pas hésitants ils s'étaient arrêtés à dix mètres de là, sur un banc de l'autre côté du bosquet.

Là-bas, entre eux, le ton étaient monté rapidement, l'un calmant l'autre qui s'énervait et vociférait : «C'est des gouines ! Des sales gouines !». Et les cris s'étaient amplifiés, des imprécations haineuses, qui nous étaient clairement adressées. Le type s'époumonait dans notre direction, le second le retenait et hurla à son tour «Barrez-vous, conasses de salopes !». Qu'avaient-ils vu ou cru ? Notre manière de nous toucher ? Notre look ? Nos cheveux un peu trop courts ou nos piercings ? Camille et Sue étaient restées calmes : nous étions au milieu d'un parc public, dans le soleil de l'après-midi, elles n'avaient pas peur de deux tristes types. Mais inexplicablement, leurs cris me glacèrent cette fois-là, plus profondément que toutes les autres fois où l'homophobie ambiante s'était faite menace. Un froid intense m'avait saisie, à claquer des dents. C'était mes tripes qui prenaient la mesure du danger. Ne pas savoir jusqu'où cette haine pouvait le mener. Il était réellement hors de lui...

La peur des coups ? La peur de se faire tuer. L'effroi de ressentir le dégoût et la hargne que nous suscitions chez un inconnu. Des personnes qui ne nous connaissent pas mais nous exècrent, pour ce que nous sommes, ce que nous paraissons, ce qu'elles croient voir de nous. Pas même pour ce que nous faisons ou disons (elles n'en ont aucune idée), mais pour ce que nous représentons à leurs yeux. Face à cette haine viscérale, ma peur devenait elle-même viscérale, démesurée, incontrôlable. J'ai pressé mes amies de partir. Le soleil chauffait moins fort. Je ne pouvais pas rester là une minute de plus.

Il y a une dizaine d'années, des amis gays avaient acheté un appartement ensemble. C'était le renforcement d'une vie commune, ma foi assez classique : s'endetter pour douze ans, trouver un nouveau canapé, soigner une vie de couple prévue pour durer. S'étaient alors présentées les questions plutôt classiques de partage des parts, d'impôt, d'héritage. J'avais demandé à Patrick pourquoi ils ne contractaient pas, à défaut de mariage, une union civile qui leur aurait donné quelques-uns des avantages matériels dont bénéficient les hétéros. Son visage s'était tordu en une grimace triste. Baptiste et lui y avaient réfléchi longtemps. Ils avaient bien sûr suivi les avancées de la loi, les débats sur l'adoption. Ils étaient descendus en manif aussi souvent que possible. «Mais tu comprends, rentrer dans les fichiers de l'état civil comme «homosexuels»... Et si un jour, le régime virait plus réactionnaire, plus autoritaire ? Et qu'ils décidaient de remettre les communistes, les roms, les juifs... ou les pédés dans des camps ? Tu comprends, on sera déjà sur la liste. C'est pour ça qu'on n'a pas voulu, même si c'est vraiment à notre désavantage au niveau matériel. Tu vas peut-être penser qu'on est parano, que justement, il faut continuer à rendre visible ce que nous vivons pour le banaliser... J'ai toujours pensé ça aussi. Et puis avec tout le militantisme qu'on a fait, on est fichés de toutes façons... Mais sur ce coup-là, voilà, on n'a pas réussi à passer le pas, pas encore.».

Janvier 2014, je marche dans Paris et j'enrage des frondes homophobes et racistes qui accompagnent les frasques de Dieudonné et les attaques contre Christiane Taubira. Mais ce sera l'objet d'un prochain épisode de ce voyage. Pour l'heure, je voulais parler un peu de cette peur qui accompagne certaines personnes au quotidien. Je crois qu'il est très difficile de saisir cette réalité sans la vivre. En tant que blanche, je peux par exemple comprendre en théorie le racisme, mais qu'éprouve-t-on lorsqu'on subit la haine raciste au quotidien ? Ce que je mesure en tout cas, c'est le privilège (relatif) dont je dispose (la plupart du temps), de pouvoir choisir de visibiliser mon orientation sexuelle ou pas. Il est assurément plus difficile de cacher sa couleur de peau et d'autant plus périlleux de retourner le stigmate pour en faire une revendication. En ce début d'année, je souhaite de la force et du soutien à toutes celles et tous ceux qui continueront à lutter, pour n'avoir pas peur d'exister et de se définir tel ils-elles l'entendent, et que leur fierté et leur combativité éteignent les bûchers.

Illustration: Exécution du chevalier de Hohenberg et de son valet pour sodomie sous les remparts de Zurich en 1482