updated 6:51 PM CEST, Jun 27, 2017

Bientôt...

 lemiliedegourdie1

ENCORE UN PEU DE PATIENCE!

LES NEWS SONT EN ROUTE!

genre&féminismes

Coloriages pour adultes, un art sexué

Vendus comme solution anti-stress, les coloriages pour adultes ou art-therapy font un tabac auprès des femmes. Après le très hype tricot, voici venu le temps des crayons de couleur. Mais pourquoi cette activité un brin régressive est-elle genrée?

Depuis quelques années déjà, fleurissent sur les réseaux sociaux les oeuvres fièrement exposées par des artistes d'un genre nouveau. Rosaces, mandalas, tatouages, coloriés avec application s'affichent sur la toile avec ostentation. Tous portent la mention "c'est moi qui l'ai fait", un minimum dans notre monde où sommeille en chacun-e de nous un créateur-trice de génie. La créativité de ces coloristes réside dans l'art de ne pas dépasser (le trait du modèle). L'intérêt? Déconnecter. "Cette activité qui implique calme et concentration séduit de plus en plus. On est tellement stressés, sollicités en permanence par nos téléphones portables, internet, les réseaux sociaux, happés par un zapping permanent... Les gens ont besoin de déconnecter", explique à l'AFP Anne Le Meur, éditrice chez Hachette Pratique, "on crée de ses mains, sans compétence particulière, ça décomplexe."

L'éditrice précise que les adeptes sont "essentiellement des femmes, de tous âges, des jeunes filles aux très vieilles dames…". Les hommes ne sont-ils pas stressés eux aussi ? Cette activité ne serait-elle pas assez virile ? "Cette activité implique calme et concentration"  explique Anne Le Meur qualités traditionnellement associées aux femmes. Cela nous renvoie aux travaux d'aiguilles qui confinaient nos ancêtres chez elles, entre elles. Ce type d'activité mollement créative ne serait-elle pas assez valorisante pour les hommes ? Crayonner, rester dans la limite d'un trait et suivre un modèle donné serait-ce trop passif ? Les stéréotypes des hommes en action et des femmes bien sages seraient-ils ici validés ? Les coloristes affirment de leur côté que cette activité leur permet de ne pas réfléchir, de décompresser et d'avoir au final un résultat agréable à l'oeil qui les satisfait. Hachette dit vouloir élargir sa cible en proposant aux garçons des modèles spécifiques comme celui de street art intitulé "Graff' L’art de la rue à colorier". Ah bon et pourquoi pas les rosaces pour eux aussi? C'est à cause de la fameuse différence des sexes encore et toujours... Décidément le gender marketing persiste et signe.


La socialisation des garçons en cause

 

 Deux procès pour viol et assassinat et une même demande de la part des familles de victimes: la prise de conscience que la socialisation de genre est à l'origine de la violence des hommes envers les femmes. Les proches de ces femmes mortes sous les coups d'hommes "normaux" veulent briser la domination du silence et dénoncent la complicité de la société toute entière.

«Ce sont les hommes qui violent et qui tuent en majorité, alors qu’il y a autant de femmes qui ont été maltraitées enfants». Ce sont ces mots que la mère de Gala Mulard, enlevée, séquestrée, violée puis assassinée à l’âge de 19 ans a opposés à la défense du meurtrier, Alain Delannoy, un père de famille dont l’enfance a été marquée par l’alcoolisme et la violence de ses parents. Dans le texte que cette femme a lu devant les jurés de la cour d’assises de Haute-Loire (France), elle pointe du doigt l’éducation des garçons qui se fait «dans la virilité et la violence».

 

Pratiquement le même jour, en Australie, Tom Meagher publie sur le site de la White Ribbon Campaign un long plaidoyer sur la violence des hommes envers les femmes. Son épouse Jill a été violée et tuée par Adrian Bayley alors qu’elle rentrait d’une soirée entre collègues.  Au fil des audiences, il se dit perturbé par un fait auquel il ne s’attend pas : il découvre que le meurtrier n’est pas un monstre mais un homme « normal ». Ce pourrait être un collègue, un ami, quelqu’un de la famille... A l’instar de l’avocat de l’assassin de Gala Mulard, Marcel Schott, qui a déclaré que son client était « tout sauf un monstre », Tom Meagher déconstruit le mythe du monstre. Mais pour arriver à quelles conclusions ?

 

Pour Tom Meagher, le terme même de violences faites aux femmes renvoie à un concept abstrait qui s’inscrit dans l’ordre des choses, dans la nature. Personne ne dit « les violences des hommes faites aux femmes » alors même que c’est une réalité. Dans la même logique, selon lui, on utilise la forme passive en conjugaison « a été battue/violée/assassinée » pour éviter de désigner l’auteur des faits : un homme. Au-delà des discours, il note que les circonstances atténuantes invoquées par la défense du criminel sont systématiquement l’alcool, la drogue, les violences subies dans l’enfance, les problèmes économiques et jamais la socialisation de genre. Les familles de victimes commencent pourtant à dire que quelque chose cloche dans tout ça.

 

Et si tout était à revoir à commencer par l’éducation (école et famille) ? Dans nos sociétés, les enfants apprennent très tôt ce que signifie être un garçon ou une fille par le clivage des activités, les encouragements différenciés, les comportements observés. La socialisation de genre amène ainsi les garçons à se conformer à des normes dites masculines et à développer des qualités en conformité avec leur genre. Ils seraient ainsi gratifiés s’ils adoptent certaines valeurs (compétition, leadership, etc) et punis s’ils adhèrent à d’autres(soin de soi, intimité, etc). Selon les travaux des sociologues, la socialisation de genre qui prescrit aux hommes des rôles sociaux de sexe axés sur leur domination, permet d’expliquer plusieurs comportements masculins liés au rôle d’oppresseur. Tandis que le sexe social prescrit aux femmes le rôle de victime.

 

La violence faite aux femmes a donc pour origine la socialisation des garçons qui les pousse à être agressifs, les valeurs sociales sexistes et patriarcales qui encouragent la domination des hommes sur les femmes et le maintien de ces valeurs dans les institutions sociales comme la famille, l’école et les médias. Pour déconstruire la violence masculine, une prise de conscience générale est nécessaire. Faut-il attendre d’être concerné-e-s pour s’interroger et réagir ? Les seul-e-s féministes auront beau s’époumoner, rien n’évoluera si la société continue à penser que c’est bien triste mais c’est comme ça.

 

A la lumière de son drame personnel, Tom Meagher pense que la responsabilité des hommes violents allié au silence des hommes non-violents ne doit pas être une fatalité. Néanmoins, lorsque sur les pages de soutien à sa femme qui se sont multipliées sur Facebook, il a lu que les gens souhaitaient que le meurtrier soit violé en prison, il a pris conscience du chemin qui resteait à parcourir. Le viol comme punition et instrument de domination ne fait que renforcer les rapports de force et ne résout en rien le problème selon lui. C’est au contraire valider le système de pensée du meurtrier de sa femme. Socialiser garçons et filles dans une perspective d’équité est un vaste chantier qui n’en est hélas qu’à ses débuts.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La croissance est une croyance!

 

En cette période préélectorale se succèdent des déclarations rassurantes prophétisant le retour de la croissance. Or nous, qui vivons au quotidien le détricotage de nos droits sociaux et économiques dû aux plans d’austérité sévissant partout en Europe, nous ne sommes pas dupes… D’autant plus que nos constats des dégâts de la "croissance à tout prix" sont bien plus explicites que n’importe quelle déclaration d’expert. Et puis, de quel progrès nous parle-t-on, et à quelles conditions pour les femmes ? Une rencontre avec la sociologue française Dominique Méda autour de son dernier ouvrage, "La mystique de la croissance", nous offre matière à réflexion pour revendiquer un changement de cap.


La violence de la crise économique a fait passer sous silence les dégâts environnementaux et sociaux provoqués par une poignée, mais ô combien puissante, d’institutions politiques et financières qui ont fait de la croissance à tout prix une religion. Et même si "l’on prend conscience que les rythmes de la croissance mondiale que nous connaissons depuis cinquante ans sont incompatibles avec la prise en compte de notre environnement", dénonce Dominique Méda, "un grand nombre d’économistes et hommes d’affaires ne jurent encore que par la croissance en affirmant paradoxalement que plus nous aurons de la croissance, plus nous pourrons consacrer des moyens à lutter contre les dégâts qu’elle entraîne".

Deux nouveaux indicateurs
Face à cette situation intenable pour l’humain et pour l’environnement, la sociologue nous rappelle l’urgence de changer de perspective et d’indicateurs pour calculer la qualité de la vie. En premier lieu, elle conseille d’arrêter de s’appuyer sur le PIB (Produit Intérieur Brut), incapable de mesurer la qualité des objets produits et encore moins la justice des conditions de travail de celles et ceux qui les produisent. "Il faut pouvoir suivre les évolutions des réalités qui comptent pour l’inscription de nos sociétés dans la durée, c'est-à-dire le patrimoine naturel et la cohésion sociale car, finalement, de quoi a besoin une société pour subsister ? De ne pas détruire le morceau de planète sur lequel elle est installée et de rester bien liée. C’est pour cette raison que ces deux indicateurs seraient déjà très utiles, rappelle Dominique Méda : l’un qui permettrait de suivre les transformations apportées au patrimoine naturel – émissions de gaz à effet de serre et pollutions de toute nature – et l’autre, un indicateur de santé sociale permettant de rendre compte des inégalités d’accès aux revenus, à l’emploi, aux conditions de travail, au logement."
Cet état d’urgence écologique et sociale, qui n’est pas nouveau, nous permet d’interroger le modèle politique dominant, la concentration du capital dans les mains d’une minorité, l'emprisonnement dans une épuisante poursuite de la croissance économique. "On peut mettre la résolution de la crise écologique au service d’une sortie par le haut de la situation dans laquelle se trouvent nos sociétés, caractérisées notamment par une très grave crise de l’emploi et un fort malaise au travail. Prendre la crise écologique au sérieux suppose d’engager une véritable reconversion écologique, de développer certains secteurs d’activité et d’en faire diminuer d’autres, sans doute aussi de désintensifier le travail – de travailler autrement – et de répartir l’emploi sur un plus grand nombre de personnes."

Travailler moins et travailler tou-te-s
Le thème de la réduction des temps de travail apparaît central dans ce changement d'attitude, en dépit de la tourmente que les 35 heures ont provoquée en France. "Je pense que nous devons tirer un bilan serein de la réduction du temps de travail. Cette réforme a entraîné des changements positifs dans beaucoup de domaines et les défauts dont on la pare souvent – comme le fait qu’elle aurait dégradé la valeur travail… – sont une production idéologique. Certes, elle avait des limites, mais il faut remettre cette question de la répartition du volume de travail sur la table. Comment substituer au partage actuel, arbitraire, sauvage, un partage raisonné, civilisé ?" Comment y arriver, alors que nous sommes captifs d’une économie globalisée, que quelques-uns conditionnent le choix du plus grand nombre, que trop de femmes restent encore aux marges de l’emploi… et que les politiques d’austérité patriarcales auxquelles les Européen-ne-s sont confrontés renforcent ces mécanismes ?

Pour Dominique Méda, les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer afin de corriger les mécanismes de répartition des biens et des ressources qui sont encore aujourd’hui à l’origine de beaucoup d’inégalités. "Il y a des exemples pratiques très puissants, je pense par exemple aux Villes en transition, un projet né en Grande-Bretagne en 2006 : les populations locales sont invitées à créer un avenir meilleur et moins vulnérable devant les crises écologiques, énergétiques et économiques qui les menacent afin de reconstruire une économie locale vigoureuse, solidaire et soutenable. Ces expériences montrent que d’autres solutions sont possibles pour éviter la casse sociale et environnementale et arrivent à conditionner l’octroi d’aides publiques à l’atteinte d’objectifs écologiques et sociaux. Même au niveau européen, il faut bien que des États puissent faire entendre qu’il existe une autre voie que celle de la réduction des protections sociales et de la flexibilité, de la modération salariale et de la compétition. Il faut rappeler que si on veut une Europe forte, alors il faut des travailleurs et des travailleuses bien qualifiés et bien payés."

Impliquer les milieux populaires et les femmes
Quelle est la place des milieux populaires dans un combat qui est vu encore trop souvent comme une lutte de "bobos" ? Et comment éviter que ce changement de perspective ne devienne un nouveau piège pour ces femmes ? En effet, on sait que le temps libéré du travail productif ne mène pas forcément à un partage équitable des tâches domestiques et des soins aux enfants, encore et toujours "naturellement" dévolus aux femmes1. Pour Dominique Méda, on est d’abord clairement face à un enjeu qui concerne tout le monde : "Les milieux populaires sont les premiers à savoir que leurs conditions de vie sont dégradées. Les plus pauvres, au Sud et au Nord, supportent les plus grosses pressions sur leurs conditions de vie. Quant aux femmes, je pense qu’elles ont tout à gagner d’un partage du travail qui s’organise autour d’une norme de temps de travail plus courte qu’à l’heure actuelle, mais plus longue que les actuels temps travaillés de beaucoup d’entre elles… Je pense par exemple aux temps partiels, trop souvent imposés à des femmes qui n’ont pas d’autre choix." L'enjeu : récupérer "un mieux-vivre"  qui profite réellement à toutes les femmes, quel que soit leur positionnement sur l'échelle socio-économique. Affaire à suivre !

__________________

1 À ce propos, Dominique Méda reconnaît que malgré une amélioration de la qualité de vie des femmes ayant vécu une RTT [réduction du temps de travail, ndlr] d’au moins un an, les situations varient en fonction de la qualification, du revenu des femmes et de la présence d’enfants en bas âge. Parmi ces femmes, "93 % déclarent continuer à prendre en charge la plus grande partie de la lessive, 86 % la plus grande part du repassage, environ 75 % la plus grande part de la préparation des repas, du ménage et du rangement de la maison, 73 % la plus grande part des courses alimentaires"… Voir Dominique Méda et Renaud Orain, "Transformation du travail et du hors travail : le jugement des salariés sur la réduction du temps de travail", dans Travail et Emploi, n° 90, avril 2002, p. 30.

Photo Philippe Matsas © Flammarion

Cet article a été publié à l'origine dans le mensuel féministe belge axelle d'avril 2014. Plus d'infos sur le site http://www.axellemag.be/fr/

 

Plus d'articles...

  1. Emilie Jouvet livre The book
  2. Lever le voile... ou pas.
  3. La rumeur, arme de guerre
  4. Le genre n'est pas une théorie
  5. Well Well Well, le mook lesbien
  6. Transgenres discriminés en Europe
  7. A.W. Guelpa, harcelée sur le Net
  8. Le musée fait le trottoir
  9. Jouets, des raisons d'espérer?
  10. Et la prostitution masculine?
  11. Buzzons contre le sexisme, saison 3
  12. Le succès de "je connais un violeur"
  13. Pétition contre le sexisme sur Internet
  14. Le projet de Caroline de Haas
  15. Sinead O'Connor à Miley Cirus
  16. Femen: Amina quitte ses amies
  17. Antipodes
  18. Féminisez votre bébé avec une perruque
  19. Femen vs féministes
  20. L'alliance du voile et de la laïcité
  21. Jeu vidéo/ sexisme:interview de Mar_Lard, gameuse et activiste féministe
  22. Vers une théorie critique post-néolibérale
  23. Lalla: une hétérotopie transexuée
  24. Tout l'art du cochon
  25. Genre et économie
  26. Moi Diana T. pornoterroriste
  27. MMF, le point avec Myriam Nobre
  28. Après le printemps érable ?
  29. Tu vois le genre?
  30. Männer.ch s’explique
  31. Discours et pratique de combat
  32. Histoires de famille
  33. Questions féministes ou pas
  34. La pensée queer, blanchiment postmoderne
  35. Basket: une tenue sexy sexiste?
  36. Rôles de sexe/ Rapports sociaux de sexe
  37. Le féminisme, un mouvement non-violent
  38. Quand les féministes se mettent à nu
  39. Le maquillage augmente les compétences
  40. Porno et féministes
  41. Sexe et nation
  42. Religions et féminismes: quelle équation?
  43. 14 juin d'hier et d'aujourd'hui
  44. Recto-verso, injonctions contradictoires
  45. Anorexie: les garçons s'y mettent aussi.
  46. Vinila von Bismarck
  47. Masculinités
  48. Coming out féministe
  49. Le New Burlesque : revues et négligés

Notice: Undefined offset: 1 in /home/clients/0e76f9398496447e4964931f675ef9d4/web/templates/gk_news2/html/pagination.php on line 18

Notice: Undefined offset: 1 in /home/clients/0e76f9398496447e4964931f675ef9d4/web/templates/gk_news2/html/pagination.php on line 34

Notice: Undefined offset: 2 in /home/clients/0e76f9398496447e4964931f675ef9d4/web/templates/gk_news2/html/pagination.php on line 34

Notice: Undefined offset: 3 in /home/clients/0e76f9398496447e4964931f675ef9d4/web/templates/gk_news2/html/pagination.php on line 34