updated 6:51 PM CEST, Jun 27, 2017

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ENCORE UN PEU DE PATIENCE!

LES NEWS SONT EN ROUTE!

genre&féminismes

Algorithmes malins

Sur internet, les algorithmes de recommandation ne font pas que suggérer des publicités qui nous poussent à l’achat. Ils reproduisent également des stéréotypes de genre et des discriminations tout en dévoilant aux annonceurs des données personnelles telle que l’orientation sexuelle, comme le révèlent deux études publiées récemment.

Naïvement on y avait cru au partage, à la communauté d’affinité qui rompait avec la sacro-sainte segmentation par sexe/âge/revenu chère au marketing et à la publicité qui pouvaient ainsi mieux nous cibler. On pensait enfin pouvoir se retrouver sur internet pour échanger en fonction de nos centres d’intérêt. Vraiment ? On y a cru un seul instant ? Ensuite, on nous a vendu le Big Data, susceptible de nous offrir du contenu taillé sur mesure, rien que pour nous… Le rêve en somme !

Redescendons sur terre, car derrière les algorithmes de recommandation qui proposent comme par magie des publicités qui nous seraient personnellement destinées, il y a des humains… qui reproduisent les stéréotypes du monde réel. C’est ce que révèlent deux études, l’une de la Carnegie Melon University et de l’International Computer Science Institute et l’autre menée par des chercheurs-euses de Microsoft en Inde et du Max Planck Institute for Software Systems en Allemagne. La première établit qu’un profil d’homme en recherche d’emploi était ciblé via Google Ads par des publicités pour des postes de direction bien rémunérés contrairement au profil de femme dans une situation similaire qui ne se verra suggérer que des annonces moins prestigieuses. C’est la soi-disant neutralité informatique qui est ici mise à mal.

La seconde étude pointe les mêmes dérapages plus un gros souci sur la confidentialité des données personnelles. Cette fois, les chercheurs-euses s’intéressent aux annonces publiées sur les comptes Facebook des particuliers. Si certaines informations de leur profil ne sont pas publiques, elles ne sont pas pour autant absolument privées. L’étude établit qu’il est assez simple de déterminer pour un annonceur l’orientation sexuelle d’un-e utilisateur-euse Facebook. Si les personnes qui cliquent sur les publicités de bar gay sont identifiées comme homo, des stratagèmes sont mis en place pour débusquer les gays qui n’ont pas cliqué sur ces pubs et qui n’ont pas rendu leur préférence sexuelle publique.  Ainsi certaines annonces sans rapport avec leur orientation (exemple, une offre pour un cursus d’infirmier-e en Floride) ne sont proposées qu’aux homosexuel-le-s et pas du tout aux hétéros. Dans ce cas, c’est moins le contenu de la publicité qui prime que l’information que récolte l’annonceur, à savoir la personne qui a cliqué dessus pourrait être homosexuelle. Ensuite d’autres recoupements permettront d’établir «identité» totale de la cible.

Pourquoi ne pas alors se demander si le gros coup de pub de Facebook qui a créé un filtre arc-en-ciel pour soi-disant fêter le mariage pour tous aux Etats-Unis n’était pas destiné à glaner ce type d’information sur les comptes qui l’auraient publié ? Combien de personnes LGBT ou non ont affiché leur soutien sans réfléchir ? Naïvement on a cru à la cause…

Photo © Profil Facebook de Mark Zuckerberg, CEO de Facebook

Oh regarde, une chatte!

Deux artistes de Los Angeles cartonnent en publiant sur leur compte Instagram des photos d’objets ou de paysages qui ressemblent à un sexe féminin. L’idée consiste à déconstruire pas mal de stéréotypes sur le sujet.

Depuis un an, Eva Sealove et Chelsea Jones postent régulièrement sur le compte @Look_at_this_pussy des images de vêtements, d’objets quotidiens, d’animaux, de légumes qui rappellent le sexe des femmes. D’apparence diverse et variée, comme dans la réalité, les photos s’accompagnent de commentaires féministes du type «Vous êtes le CEO de votre corps, si on essaie d’usurper ce pouvoir, faites en sorte d’expulser l’intrus de votre corps et de l’exorciser de votre vie ».

Si au départ, ce n’était qu’un jeu, une sorte de «Où est Charlie ?» comme elles l’ont déclaré dans le magazine en ligne Bullet, le concept va très vite trouver des adeptes : Pas moins de 22 000 followers approuvent leur manière de combattre certains clichés dévalorisants sur le corps des femmes en général et leur sexe en particulier que d’aucuns pensent hideux et nauséabond et qu’il s’agit donc de cacher à tout prix. Les deux femmes ont voulu créer «un espace où les gens pourraient trouver normal de se sentir comme ça ou d’être comme ça», un espace où être soi-même donc.

«Dénoncer la honte» à l’aide de la classique moule ou de l’huître incontournable peut certes sembler convenu ou prêter à sourire mais leur imagination sans borne propose une palette infinie de représentations inattendues du sexe féminin, aussi bien artistiques que politiques. Elles voient des chattes partout pour mieux affirmer leur fierté d’être qui elles sont, telles qu’elles sont. Elles exposent une vision engagée avec humour. Lorsqu’on leur pose la question de la censure sur Instagram, elles feignent l’innocence en répondant par une pirouette : «Du sexe ? Mais où ? Nous ne publions que des photos d’objets ou de nature…». Ah tiens, j’aurais pourtant cru voir autre chose…

Photo © Instagram @Look_at_this_pussy

A quoi rêvent les jeunes filles?

Si vous aviez manqué la diffusion à la télévision du documentaire d’Ovidie, féministe pro-sexe, intitulé «A quoi rêvent les jeunes filles ?», vous avez désormais la possibilité de le visionner sur YouTube. La réalisatrice s’intéresse aux jeunes filles dites de la génération Y, celles de la révolution du Net, à leur sexualité, leur rapport au corps, leur rapport à l’autre. Dans une société hypersexualisée, elle interroge les nouvelles normes qui guident les discours et les pratiques de ces jeunes femmes. Ne sont-elles pas en train de reproduire les schémas ancestraux de la domination masculine ?

On est loin du micro-trottoir : Ovidie a soigneusement choisi les intervenantes. Parmi elles, la blogueuse Clarence, la gameuse Mar_Lard ou la photographe Ortie, aptes à poser un regard critique sur les us et coutumes de leurs congénères et à en décrypter la plus obscures des attitudes. Ainsi, à les en croire, les filles de la génération Y seraient portées sur le X ? Clarence explique comment la pornographie a influencé leurs pratiques et comment la norme s’est déplacée : d’interdits, la fellation et la sodomie seraient devenues obligatoires. Les jeunes filles doivent désormais se conformer au stéréotype d’une sexualité exacerbée, sans pour autant être à l’écoute de leurs propres désirs et de leur propre plaisir. Les injonctions qui pèsent sur les filles existent toujours, la différence avec la période précédente c’est qu’elles sont passées sans transition d’une interdiction à s’intéresser au sexe à une injonction de sexualité débridée. Il s’agit de réussir à ce niveau comme dans le reste.

Débridée, vraiment ? Quand il est question de bisexualité, les garde-fous se dressent très vite. La jeune femme qui assume ses choix est stigmatisée. Si le porno n’a plus rien de transgressif aux yeux des jeunes, les mentalités restent ultra-coincées. La société n’a guère évolué et les vieux schémas opèrent toujours. Le sociologue Michel Bozon rappelle que la représentation de la sexualité est encore inégalitaire entre les filles et les garçons. D’un côté, on contrôle celle des filles et de l’autre on survalorise celle des garçons. Selon lui, «les femmes ne peuvent avoir accès à la sexualité que si elles sont amoureuses. La sexualité en soi ne les intéresse pas. Elles échangent de la sexualité contre de l’amour ou de la sexualité contre du couple». Car cette injonction faite aux femmes débute avec les contes de fées. Dès l’enfance, les filles sont bercées de l’obligation d’être en couple. Les magazines féminins prennent ensuite le relais pour leur apprendre «à être la pute dans votre couple», dixit Michel Bozon. Le cheminement est clair : 1. Trouver le bon. 2. Le garder (par tous les moyens), en recyclant notamment les codes du porno. Et toujours d’après le sociologue, ce n’est pas par envie mais bien pour obtenir quelque chose en échange.

Et quoi de plus simple, souligne Ovidie, pour qui «ces codes du porno sont récupérés partout dans les médias. Ils font vendre. Les représentations des rapports homme/femme les plus sexistes et les plus archaïques sous-tendent le système dans son entier. L’imagerie sexiste se retrouve également dans les jeux vidéos dont les jeunes raffolent. Les filles constituent la moitié des gamers. Dans ces espaces virtuels, elles sont confrontées  à une violence sexiste réelle sans borne. Mar_Lard confie que «l’absence d’empathie créée par la distance et le sentiment d’impunité créé par l’anonymat, c’est un cocktail mortel. La personne qu’on insulte à travers un écran n’existe pas vraiment».

Avec les réseaux sociaux, le rapport à l’autre a changé. A l’abri d’un écran, chacun-e peut créer une identité, un univers virtuel, tout en restant caché-e, sans vraiment se dévoiler. En même temps, le paradoxe réside dans le fait que chacun-e se sur-expose, se met à nu, affiche son intimité, livre ses données personnelles à travers des applications, des réseaux sociaux, en quelques clics…

L’excellent documentaire d’Ovidie résume parfaitement la réalité à laquelle se trouvent aujourd'hui confrontés les individus, en particulier les jeunes filles, pas nécessairement armées pour comprendre les enjeux des rapports sociaux de sexe à l’œuvre dans ces espaces. A travers ce reportage, on a le sentiment que la domination masculine s’exerce massivement et que les jeunes filles qui affichent cette apparente liberté sont plus que jamais instrumentalisées. Le chemin vers l’égalité semble affreusement long.

Photo © extraite du documentaire A quoi rêvent les jeunes filles ? d'Ovidie

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